C'est fou comme "l'amour" et "la mort" se ressemblent à l'oral. Je n'avais jamais fait le rapprochement jusqu'à maintenant. Les deux sont inévitables, on y passe tous. Certains courent après, pour d'autres ça leur tombe dessus sans prévenir.
On m'a dit courage, on m'a dit repose toi, on m'a dit écris. J'aurai aimé revenir sur ce blog avec de magnifiques photos du Laos après 2 mois sans rien poster, mais mon coeur était ailleurs et désormais il s'en s'est allé pour de bon.
J'ai eu la chance de connaître Matthew Iain Allpress. C'est ce genre d'histoire incroyable qu'on appelle le coup de foudre. Ce gros cliché ! Ce mail interminable envoyé aux copines pour leur raconter la rencontre ! La romance moderne de deux gamins de 21 ans qui se rencontrent grâce à Twitter à Berlin. Tu le sens venir le cliché, gros comme une maison.
On s'écrivait de temps en temps sans se connaître jusqu'au jour où nous sommes allés boire une bière à Kreuzberg. Fait rare : j'étais en avance. Alors que je scrollais vainement ma timeline Twitter pour passer le temps (je suis non fumeuse), un garçon s'assieds en face de moi, croise les bras sur la table et me sourit. C'est Matt.
Je me suis rejouée cette scène des milliers de fois dans ma tête mais rien à faire, je ne me souviens plus de tous les détails. Je ne pensais pas que cette rencontre était importante, pour moi je buvais un verre avec cet Australien sorti de nulle part et ensuite la vie reprendrait son cours. Je ne savais pas qu'à cet instant il aurait fallu que j'imprime dans mon cerveau la moindre milliseconde de cet instant précieux. On a échangé quelques banalités, commandé nos bières et on a commencé à se raconter nos vies.
Depuis ce jour, on n'a jamais cessé. Assise en face de lui, je buvais ses paroles et sentais l'odeur de sa peau. J'avais envie de savoir qui était ce garçon qui est arrivé en retard parce qu'il venait de se faire tatouer. Son corps en disait long sur sa vie.
Je voyais ça comme des indices, comme une carte aux trésors. J'ai ensuite passé un an à ses côtés à vouloir tout savoir et tout apprendre de lui, il m'en fallait encore et encore, comme s'il y avait un mystère à percer.
Je n'ai jamais vu le mal en lui. Je n'y ai vu que le Bien et l'Amour incarnés. Matt voulait dévorer le monde. Tout l'intéressait et ce qui le faisait vibrer lui occupait l'esprit pendant des heures. Je le regardais, fascinée et envieuse. Ses bras étaient le meilleur des réconforts et nos seules disputes étaient à propos des magazines de mode que je lisais en cachette, car il se tuait à m'expliquer qu'ils me pourrissaient la vie et la vision que j'avais de moi-même.
Il s'est tué à me rendre belle, à me donner confiance en moi et à me protéger dans ses bras. On discutait sans relâche, et si nous préférions le silence alors la présence de l'autre nous suffisait. Avec le temps, j'ai découvert à quel point ses amis en Australie l'aimaient autant que je l'aimais. Matt avait cette personnalité et cette âme qui touchait tous les gens qu'il rencontrait. Sa vision du monde et son avis sur les choses qui nous entourent sont précieux et il les distillait aux personnes en qui il avait confiance. J'ai tellement appris à ses côtés, il m'a aidée à voir le Monde sous un autre angle et m'a bousculée pour m'aider à sortir de ma zone de confort.
Je sentais au fond que Matt avait un autre amour, que je n'étais pas la seule. La Nature était plus forte que moi. En quittant Perth (côte Ouest de l'Australie) pour me retrouver à Paris en décembre 2012, il a quitté l'océan, les vagues et tout ce qui le rendait vivant. Quand il a appris que je partais en Inde, c'était pour lui un feu vert. Je quittais Paris, alors il avait le droit de partir aussi. Angleterre, Pays-Bas, Allemagne, Turquie, Inde puis Népal. Chaque étape avant de rentrer chez lui était aussi symbolique que l'autre.
Quand je suis arrivée en Inde en juin dernier je l'ai senti retomber amoureux de la Nature. Son arrivée à Chennai en septembre fut fatale pour nous, nos chemins se séparaient. Il est parti vers le nord et s'est retrouvé au Népal, où il est tombé fou amoureux de l'Annapurna. Je suis allée le rejoindre en novembre avant son retour définitif en Australie.
La suite vous la connaissez. Matt s'est endormi dans les bras de la Nature, son véritable amour pour toujours. Comment vivre sans la personne qu'on aime ? Comment accepter la mort, celle qu'on déteste et qui nous tombe dessus sans prévenir, celle contre laquelle personne ne peut rien faire, la mort qu'on croit éviter avec des "et si". Je ne sais pas. Comment vivre sans ses précieux conseils, sans sa voix et sans ses mots ? Je ne sais pas. Je ne sais plus rien. Je dois réapprendre à vivre sans béquille, sans cette incroyable personne que j'ai eu la chance de côtoyer et de serrer dans mes bras.
La seule chose que je sais, c'est qu'il faut se souvenir. Il faut parler de lui, rire de nos souvenirs communs, conserver ses paroles au chaud et chérir sa personne. Je cours après ces instants comme un trésor et je me force à écrire pour comprendre que tout cela est vrai et qu'il faut l'accepter.
Parce que vous avez été si nombreuses à me témoigner votre soutien pendant ces 6 derniers mois, je tenais à vous remercier du fond du coeur pour vos mots et votre présence. Je voulais partager avec vous ces souvenirs, pour aussi crier un peu au monde à quel point je l'aime et à quel point nous devons tous nous souvenir de lui. MERCI !