Il y a quelqu'un ? Ce blog est devenu ce vieux pote d'enfance à qui tu es censée donner régulièrement des nouvelles, mais ta vie est tellement ailleurs que tu fais l'autruche, tu procrastines et plus le temps passe : plus tu culpabilises... Et moins tu reviens vers lui, par peur des reproches ou du ton faux.
Depuis mon arrivée en Inde, ma vie perso a pris un sacré coup dans la gueule et j'ai effectivement pas mal morflé. Le blog est vraiment passé au second plan, j'avais besoin de temps pour digérer ce que je vivais en Inde et éprouver mon deuil loin de tout ça.
J'ai même abandonné Instagram pendant plus d'un mois, ça ne m'était jamais arrivé !
J'aimerais tant vous réciter un discours positif, vous raconter à quel point "je vois désormais la vie en rose, YOLO !". Mais non, la mort c'est moche et le deuil c'est difficile. En revanche, la vie est belle, oui. Pas plus belle. Pas moins belle. Complètement différente surtout.
En bonne fan de Harry Potter, j'ai l'impression de faire partie de ces personnes capables de voir les Sombrals. On s'en remet de tout ça, bien sûr, et c'est pour ça que je voulais écrire sur ce sujet car je ne suis pas seule et je suis persuadée que certain-e-s d'entre vous seront intéressés par ce témoignage.
Je ne suis pas allée voir de psy car je n'en avais pas la force.
L'envie était immense, mais l'idée de me lever le matin pour faire autre chose que de me traîner au bureau et mimer une vie sociale me fatiguait déjà d'avance. Je me suis donc enfermée dans un mutisme morbide puis quasiment spirituel. C'est à dire que j'étais tellement stupéfaite de la douleur que je ressentais que je pouvais rester des heures entières allongée sur mon lit en fixant le plafond, transie par la souffrance.
Moi qui n'avait connu que la douleur physique dans ma vie, la douleur psychique était incroyable et fascinante. Comment était-ce possible d'avoir aussi mal sans que cela se voit ? Pour moi être malade, c'était visible, c'était avoir le nez qui coule, sentir des ganglions dans la gorge ou avoir le pied plâtré. Je me demandais si c'était les anti-dépresseurs qui plâtraient l'âme souffrante ?
Je me perdais dans des divagations complètement dingues et ma souffrance me faisait peur car je n'arrivais pas à la dompter. Les crises de larmes se succédaient au silence et à la paranoïa. Car pendant le deuil on ne rêve que d'une chose : que tout le monde nous foute la paix, mais que tout le monde nous entoure de ses bras réconfortants.
Perdre l'être aimé, c'est aussi devoir se défaire petit à petit du sentiment amoureux. La rupture amoureuse se mêle au deuil et vice versa, on ne sait plus trop où on en est mais une chose est sûre : il est très étrange d'être amoureuse d'un mort. C'est de cet état morbide, à écouter en boucle des messages vocaux restés en mémoire sur Whatsapp, que je suis passée à la seconde étape : l'état spirituel.
Là où la souffrance fait place à la réflexion. Tiens, alors c'est ça l'Amour inconditionnel ? La Foi, les croyants ? Aimer quelqu'un qui n'existe pas ou plus, une entité, Aimer l'Amour ou un concept, Aimer des livres, des écrits et des souvenirs ?
J'ai remis en question ce que je pensais savoir de la religion et pas mal de choses se sont imbriquées dans mon esprit comme dans un Tetris. Plein de choses commençaient à faire sens et pendant quelques temps, mon Dieu n'était nul autre que Matt.
Cette période coïncide avec la douloureuse mais indispensable étape des funérailles. J'ai passé 3 jours et demi à Perth dans la ville natale de Matt, entourée de sa famille et de ses amis pour lui dire au revoir une dernière fois. De chaudes larmes, des mains serrées et tremblantes, la gorge qui se noue pendant le discours et la fierté de ne pas avoir versé une larme pendant la prière, sourire, rire même. Faire la fête jusqu'au petit matin en son honneur.
Se revéiller en se disant "ça y est, le cauchemar est terminé".
Mais l'Amour restera toujours. Nous avons cherché Matt sans relâche pendant 6 mois. 6 mois d'attente comparable à une sale plaie purulente qui n'a de cesse de se rouvrir et qui refuse de guérir. Les funérailles furent la désinfection finale et les points de suture, ça fait mal, ça pique, ça brûle, puis on contemple fièrement sa jolie plaie nettoyée.
Il m'a fallu plusieurs mois pour guérir et cicatriser complètement. C'était difficile, car c'est comme si la plaie avait touché des nerfs : parfois je ne ressentais plus rien. Je me suis retrouvée plusieurs semaines dans une sorte de coma émotionnel : ni peur, ni haine, ni tristesse, ni joie, ni hâte, ni envie... Juste de la lassitude et un immense poids qui ne voulaient pas partir.
Et puis soudain, le soir de mon anniversaire nous avons tous fait la fête et je me suis sentie entourée. Au fur et à mesure de la soirée, je suis sortie d'un long sommeil et je suis revenue à la vie. Oh, ce n'était pas radical ! Mais petit à petit, je me suis mise à avoir des fous rires. A raconter des blagues. A me lever tôt. A transformer ma souffrance en quelque chose d'utile : je me suis remise à faire du sport.
Quitte à souffrir, autant être acteur de la souffrance et éviter au maximum la passivité. Depuis que j'ai repris la course à pied avec un but fixé (le semi marathon de Chennai le 7 décembre), j'ai mal et je souffre mais la douleur mentale a fait place à la douleur physique réconfortante : je suis vivante et je le ressens.
A toutes celles et tous ceux qui vivent en ce moment le deuil, je n'ai aucun conseil à prodiguer car chaque cas est unique. En revanche je m'adresse à leurs proches : soutenez-les, coûte que coûte. Ne les accablez pas. Ne leur sortez pas des "ça ira mieux". On le sait, que ça ira mieux.
Mais au moment T ça ne va pas du tout. Si vous ne savez pas quoi dire, ne dites rien. Si vous ne savez pas quoi faire, ne faites rien.
Mais bon Dieu, soyez-là. Sans vous, sans votre présence (que vous croyez inutile mais ô combien nécessaire) on ne s'en sortira jamais.
Merci aux personnes qui m'ont aidée et merci à vous d'être toujours présents sur ce blog.
J'ai lu chacun de vos commentaires, relu tous vos e-mails et vous êtes sacrément géniaux. Merci.
PS : je suis de retour !
Depuis mon arrivée en Inde, ma vie perso a pris un sacré coup dans la gueule et j'ai effectivement pas mal morflé. Le blog est vraiment passé au second plan, j'avais besoin de temps pour digérer ce que je vivais en Inde et éprouver mon deuil loin de tout ça.
J'ai même abandonné Instagram pendant plus d'un mois, ça ne m'était jamais arrivé !
J'aimerais tant vous réciter un discours positif, vous raconter à quel point "je vois désormais la vie en rose, YOLO !". Mais non, la mort c'est moche et le deuil c'est difficile. En revanche, la vie est belle, oui. Pas plus belle. Pas moins belle. Complètement différente surtout.
En bonne fan de Harry Potter, j'ai l'impression de faire partie de ces personnes capables de voir les Sombrals. On s'en remet de tout ça, bien sûr, et c'est pour ça que je voulais écrire sur ce sujet car je ne suis pas seule et je suis persuadée que certain-e-s d'entre vous seront intéressés par ce témoignage.
Je ne suis pas allée voir de psy car je n'en avais pas la force.
L'envie était immense, mais l'idée de me lever le matin pour faire autre chose que de me traîner au bureau et mimer une vie sociale me fatiguait déjà d'avance. Je me suis donc enfermée dans un mutisme morbide puis quasiment spirituel. C'est à dire que j'étais tellement stupéfaite de la douleur que je ressentais que je pouvais rester des heures entières allongée sur mon lit en fixant le plafond, transie par la souffrance.
Moi qui n'avait connu que la douleur physique dans ma vie, la douleur psychique était incroyable et fascinante. Comment était-ce possible d'avoir aussi mal sans que cela se voit ? Pour moi être malade, c'était visible, c'était avoir le nez qui coule, sentir des ganglions dans la gorge ou avoir le pied plâtré. Je me demandais si c'était les anti-dépresseurs qui plâtraient l'âme souffrante ?
Je me perdais dans des divagations complètement dingues et ma souffrance me faisait peur car je n'arrivais pas à la dompter. Les crises de larmes se succédaient au silence et à la paranoïa. Car pendant le deuil on ne rêve que d'une chose : que tout le monde nous foute la paix, mais que tout le monde nous entoure de ses bras réconfortants.
Perdre l'être aimé, c'est aussi devoir se défaire petit à petit du sentiment amoureux. La rupture amoureuse se mêle au deuil et vice versa, on ne sait plus trop où on en est mais une chose est sûre : il est très étrange d'être amoureuse d'un mort. C'est de cet état morbide, à écouter en boucle des messages vocaux restés en mémoire sur Whatsapp, que je suis passée à la seconde étape : l'état spirituel.
Là où la souffrance fait place à la réflexion. Tiens, alors c'est ça l'Amour inconditionnel ? La Foi, les croyants ? Aimer quelqu'un qui n'existe pas ou plus, une entité, Aimer l'Amour ou un concept, Aimer des livres, des écrits et des souvenirs ?
J'ai remis en question ce que je pensais savoir de la religion et pas mal de choses se sont imbriquées dans mon esprit comme dans un Tetris. Plein de choses commençaient à faire sens et pendant quelques temps, mon Dieu n'était nul autre que Matt.
Cette période coïncide avec la douloureuse mais indispensable étape des funérailles. J'ai passé 3 jours et demi à Perth dans la ville natale de Matt, entourée de sa famille et de ses amis pour lui dire au revoir une dernière fois. De chaudes larmes, des mains serrées et tremblantes, la gorge qui se noue pendant le discours et la fierté de ne pas avoir versé une larme pendant la prière, sourire, rire même. Faire la fête jusqu'au petit matin en son honneur.
Se revéiller en se disant "ça y est, le cauchemar est terminé".
Mais l'Amour restera toujours. Nous avons cherché Matt sans relâche pendant 6 mois. 6 mois d'attente comparable à une sale plaie purulente qui n'a de cesse de se rouvrir et qui refuse de guérir. Les funérailles furent la désinfection finale et les points de suture, ça fait mal, ça pique, ça brûle, puis on contemple fièrement sa jolie plaie nettoyée.
Il m'a fallu plusieurs mois pour guérir et cicatriser complètement. C'était difficile, car c'est comme si la plaie avait touché des nerfs : parfois je ne ressentais plus rien. Je me suis retrouvée plusieurs semaines dans une sorte de coma émotionnel : ni peur, ni haine, ni tristesse, ni joie, ni hâte, ni envie... Juste de la lassitude et un immense poids qui ne voulaient pas partir.
Et puis soudain, le soir de mon anniversaire nous avons tous fait la fête et je me suis sentie entourée. Au fur et à mesure de la soirée, je suis sortie d'un long sommeil et je suis revenue à la vie. Oh, ce n'était pas radical ! Mais petit à petit, je me suis mise à avoir des fous rires. A raconter des blagues. A me lever tôt. A transformer ma souffrance en quelque chose d'utile : je me suis remise à faire du sport.
Quitte à souffrir, autant être acteur de la souffrance et éviter au maximum la passivité. Depuis que j'ai repris la course à pied avec un but fixé (le semi marathon de Chennai le 7 décembre), j'ai mal et je souffre mais la douleur mentale a fait place à la douleur physique réconfortante : je suis vivante et je le ressens.
A toutes celles et tous ceux qui vivent en ce moment le deuil, je n'ai aucun conseil à prodiguer car chaque cas est unique. En revanche je m'adresse à leurs proches : soutenez-les, coûte que coûte. Ne les accablez pas. Ne leur sortez pas des "ça ira mieux". On le sait, que ça ira mieux.
Mais au moment T ça ne va pas du tout. Si vous ne savez pas quoi dire, ne dites rien. Si vous ne savez pas quoi faire, ne faites rien.
Mais bon Dieu, soyez-là. Sans vous, sans votre présence (que vous croyez inutile mais ô combien nécessaire) on ne s'en sortira jamais.
Merci aux personnes qui m'ont aidée et merci à vous d'être toujours présents sur ce blog.
J'ai lu chacun de vos commentaires, relu tous vos e-mails et vous êtes sacrément géniaux. Merci.
PS : je suis de retour !